Découvrir un pays en compagnie de Laurent Ballesta, tel était le propos de ce voyage à Gozo. Le biologiste, plus habitué aux atmosphères viriles, aux expéditions velues et aux plongées extrêmes, a pu donner une autre image de lui même. Au-delà du type médiatique, il s’est montré tel qu’il est, humain, parfois timide et drôle. Mais surtout passionné. Car il ne faut pas oublier que c’est un véritable naturaliste, capable de partager ses connaissances avec chaleur. De quoi comprendre Gozo différemment.

Ça y est, les « recycleux » disparaissent dans le bleu avec leurs appareils photo. Nous, humbles plongeurs à l’autonomie limitée, nous dispersons dans nos palanquées respectives à la découverte des fonds de Gozo. Nombreux également équipés d’un reflex, d’un compact ou d’une GoPro pour ramener des souvenirs. Chacun y va selon son feeling. Il y a ceux qui planent, benoîtement, décontractés du détendeur, au fil des tombants et des cavités. Ceux qui farfouillent à la recherche de la p’tite bête. Ceux qui tentent une approche de sioux pour surprendre sars, saupes et perroquets ou qui multiplient les réglages pour obtenir une jolie photo. Précision : « ceux » désigne également « celles ». Car le groupe de ce voyage respecte une parité presque parfaite entre les sexes.

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Marc nous avait prévenus qu’au pied de la mise à l’eau de Ta’ Cenc, on pourrait trouver des hippocampes. Ils sont bien là. Au retour de la plongée, les pauv’ bêtes ont dû bronzer sous les coups de flashs ! Les plongeurs air leur tirent d’abord le portrait, bientôt rejoints par les pros en recycleur qui multiplient les clichés.

De retour à terre, chacun se déséquipe, charge les véhicules et les langues se délient. On se raconte ce qu’on a vu, ce qu’on a raté, on compare ses images sur l’écran de l’appareil. La mayonnaise commence à prendre, les gens se regroupent par affinités et les échanges deviennent plus riches. Ce qui n’était pas évident au départ. Flash-back.

In Malte with Ballesta

blue-holeÀ l’origine, une idée simple. Proposer aux lecteurs et plongeurs de participer à un séjour à Malte en compagnie de Laurent Ballesta. Rapidement, les intéressés répondent présents. Pour ne léser personne, le groupe, initialement prévu à une quinzaine de personne, gonfle à plus de vingt. À Orly, tous ces gens si différents se retrouvent, un peu coincés. Laurent apparaît, on peut le toucher, il existe vraiment. Sauf que le garçon ne correspond pas à son image médiatique. Il est comme les autres, humain et réservé. Pas le genre G.O. youkaïdi-youkaïda, frappez dans vos mains. Certains ne se remettront pas de cette distance apparente.

Heureusement, il y a Gozo, but du voyage. Dès le lendemain, sous le soleil et l’impulsion de Marc du St Andrew’s Divers Cove, on passe aux choses sérieuses. Comme c’est de mise ici, les plongées se déroulent du bord avec chargement préalable du véhicule. Une fois sur zone, Marc fait son briefing détaillé pour chaque spot.

Coup de bol, tous les plongeurs du groupe sont confirmés. Ce qui permet à chacun de profiter de sa plongée sans contraintes ni limite de temps, si ce n’est sa consommation. Une épave, un tombant, une grotte : les plongées s’enchaînent. Même si la visibilité n’est pas optimale, l’eau bleue est au rendez-vous et tout le monde profite jusqu’à plus soif de ses plongées.

Le soir, Sammy nous attend au pied de l’hôtel. Sammy est un minibus Ford hors d’âge qui nous est réservé pour nous conduire à la découverte de Gozo et de sa gastronomie. Parce que l’âme d’un pays passe aussi par l’estomac. Ce soir ce sera Xaghra, au Tal-Furnar, une ancienne boulangerie, pour y déguster des ftiras, sortes de pizzas. Un autre soir, ce sera au Ta’ Mena, avec ses vignes, son vin d’agriculture biologique et ses plats à base de produits locaux. Ou encore Ta’ Rikardu, dans la citadelle historique de Gozo, avec un menu tout en mets à base de fromages.

Entre ces étapes gastronomiques, même si Sammy est fidèle au poste pour nous faire découvrir l’île, les soirées sont libres. Mais allez savoir pourquoi, jamais le groupe ne s’est scindé, préférant rester uni autour de la figure charismatique de Laurent Ballesta.

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Questions-réponses

hippocampeIl faut dire que le garçon a de quoi raconter. Passé les premiers moments de battement, s’est rapidement constituée autour de lui une petite troupe de « groupies » l’assaillant de questions. Du petit-déjeuner au dîner, chaque tablée est l’occasion de l’interroger. Un jeu auquel l’intéressé se prête de bonne grâce. Le cœlacanthe, les plongées profondes, les paliers, la faune, le réchauffement climatique, le comportement des poissons, le matériel, ça fuse tous azimuts. Laurent répond avec sincérité à chaque sollicitation. Heureusement que Jordi Chias, photographe catalan, est également là pour l’épauler, tant les questions sont nombreuses.

Mais s’il y a un domaine sur lequel Laurent est intarissable, c’est la Méditerranée et sa faune. Bien qu’il ait mené des expéditions sous les tropiques, cet indécrottable méditerranéen reste viscéralement attaché à « sa » mer. Et donne à qui veut l’écouter de quoi vivre sa plongée ici différemment.

Les plongées s’enchaînent, avec un regard différent. Malte et Gozo ne sont pas réputés pour l’abondance de la faune. Mais à y regarder de plus près, on commence à voir des choses qui nous avaient échappé. On se prend à jouer au jeu des différences entre la Méditerranée de chez nous et celle d’ici, à chercher la petite bête. Sans oublier les grottes. Ah, les cavités de Gozo : quel pied ! Au fil des jours, chacun commence à appréhender cet univers particulier. Si certains s’intéressent à la faune cavernicole, la plupart se laissent envoûter par ces atmosphères magiques, ces jeux de lumière. D’autant que le séjour monte en puissance. Après les plongées du bord (Xat L-Ahmar, Ras il Hobz, le Blue Hole…), le bateau permet ensuite d’accéder à la richesse infinie de côtes où les cavités se succèdent, au pied des falaises.

Voir autrement

Malgré un emploi du temps trop chargé, Laurent assurera deux conférences au débotté. Projections à l’appui, il déroule son parcours, explique et répond à toutes les questions, même les plus naïves. Un cadre informel, propice à de vrais échanges où l’on mesure que le type qui plonge régulièrement à plus de 100 mètres est capable de s’enthousiasmer sur le comportement d’un poisson perroquet regroupant son harem et vu le matin même.

Autre exemple : le séjour comprenait une visite de l’aquarium de La Valette. Vous je ne sais pas, mais moi, les aquariums, je les visite comme des zoos, avec l’impression de poissons en cage. Sauf qu’avec avec Laurent pour guide, ces mêmes poissons de notre Méditerranée, je les ai vus avec un œil différent.

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Soyons honnêtes, certains participants ont été déçus par leur séjour. Sans doute en attendaient-ils trop de Laurent Ballesta, espérant qu’il guiderait leur plongée ou les accompagne dans leurs premiers pas photographiques. En raison du nombre (plus de 20 personnes), il n’a pu répondre qu’aux attentes de ceux qui le sollicitaient. Pour autant, l’ambiance était parfaite avec, en point d’orgue, ce barbecue en plein air, face au soleil couchant à Dwejra. D’ailleurs, les participants ont gardé le contact et ont déjà prévu de remettre ça en 2015. Ça ne trompe pas.

laurent-ballestaL’avis de Laurent Ballesta

« Même si la Méditerranée est ma spécialité, je ne connaissais pas Malte. Il faut dire que cette mer est vaste, très différente selon ses bassins, contrairement à la Manche par exemple, beaucoup plus homogène. Par sa situation, Malte est un peu une sentinelle pour les espèces envahissantes de mer Rouge qui seront sans doute demain chez nous. Des espèces banales là-bas sont très rares chez nous. Par exemple le poisson lapin, qui vient de s’y installer, les juvéniles de barracudas que je n’ai jamais vus sur nos côtes ou trois espèces différentes de mérous, ce qui est rare chez nous. Ne parlons pas des autres espèces exotiques ou de la faune troglodyte installée dans la quantité de grottes. Telles les motelles, espèce hyper cavernicole, une variété de porcelaine ou une grande vive que je n’avais jamais vue avant. Ces cavités constituent un système original, à la fois faunistique et graphique. J’y retournerais volontiers pour effectuer un vrai travail photographique, tant cette succession de grottes est impressionnante ! Concernant le séjour, il est vrai que nous étions nombreux et que l’emploi du temps ne m’a pas permis de donner autant de conférences que souhaité. Plus habitué aux expés où il faut toujours donner le change, jouer un rôle, là j’ai pu me relâcher et du coup passer des moments très sympas avec ceux qui venaient me solliciter. Heureusement que Jordi était là pour m’épauler. De toute façon, en technique photo, il en connaît mille fois plus que moi. »

gozoL’avis de Marie

Pharmacienne à Médecins du monde, malgré un Niveau 3, Marie fait partie de ces plongeuses qui affectionnent plutôt les mers chaudes. Elle n’avait jamais plongé en Méditerranée.
« Je suis très contente de mon séjour ! L’ambiance était super sympa, j’y ai rencontré des gens intéressants et j’ai surtout découvert la Méditerranée. J’ai beaucoup aimé Gozo, très différent de tout ce que je connaissais. Ces grottes, ces bleus intenses, ces atmosphères mystérieuses, c’était magnifique. Même les herbiers ou l’épave était intéressants. En mer tropicale, on a un peu trop tendance à se balader, tellement il y a de choses. Là, au contact de Laurent et Jordi, j’ai appris à être plus attentive, à savourer la plongée différemment. Cela m’a donné envie d’y retourner. Comme je ne fais pas de photo, je n’avais pas d’attente de ce côté. Mais Laurent m’a beaucoup apporté. C’est quelqu’un de simple, très fin, avec plein de choses intéressantes à raconter. Et puis, je me suis sentie aventurière à ses côtés ! »

L’avis de Milca

gozoInstructeur de natation (l’équivalent de notre BEESAN), Dive Master et Niveau 4, Milca n’a pas froid aux yeux et plonge régulièrement dans les lacs suisses, aux Maldives ou en Méditerranée.
« J’avais un peu peur d’être entourée de ‘bios’ mais finalement c’étaient des plongeurs comme moi, des gens simples et pas des scientifiques. Ce n’est pas la partie photo qui m’a motivé au départ. Plutôt de découvrir un Cousteau moderne, sans bonnet rouge, et un pays. De ces deux points de vue, c’était réussi. Laurent m’est apparu comme un gars plutôt réservé, avec une certaine timidité, contrairement à l’image que l’on peut s’en faire. Mais, au fil du temps, il s’est lâché et c’est quelqu’un de très drôle, capable d’expliquer les choses simplement et visiblement passionné.
Quant à Malte, c’est un pays magnifique. Marc et son équipe se sont mis en quatre pour nous en faire découvrir la culture, au-delà des plongées. J’ai particulièrement apprécié les sorties en bateau des derniers jours. Ces falaises à pic, sans personne, ce côté abrupt et fascinant avec des décors et des ambiances féeriques. C’est une très belle expérience, riche de contacts humains, qui m’a permis de lier de nouvelles amitiés. »

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Remerciements au tour-opérateur AMV-Subocéa (www.amv-subocea.com), à Marc et toute son équipe du St Andrew’s Divers Cove (www.gozodive.com), et à l’office du tourisme de Malte (www.visitmalta.com/fr).

Retrouvez le texte de Daniel Deflorin dans Plongée Magazine n°69. Photos Jordi Chias sauf mention contraire 

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