Par les temps qui courent, on ne parle guère de la Grèce que pour l’évoquer au travers du prisme de ses difficultés et de sa crise de la dette publique. Pourtant, outre son histoire séculaire, ce serait oublier qu’elle demeure l’une des premières puissances maritimes et une destination touristique majeure avec près de 15 millions de visiteurs. L’essentiel étant drainé par la Grèce continentale et son patrimoine historique, mais également par ses milliers d’îles dispersées en Méditerranée orientale.
Curieusement, malgré une telle façade littorale et cet afflux de visiteurs, le pays est resté méconnu des plongeurs. À l’inverse de certains de ses voisins, tels Malte, qui ont su les attirer en masse. Pourtant la Grèce dispose des mêmes atouts : un climat tempéré, des eaux claires, des fonds à la géologie tourmentée, des épaves et des vestiges archéologiques. C’est précisément ce dernier point qui constituait un blocage. Chaque recoin du pays recélant potentiellement des vestiges, la plongée y était sévèrement réglementée.
Un premier verrou a sauté en 2005 avec une nouvelle loi assouplissant les conditions de la plongée loisir. « De nouveaux secteurs ont été ouverts mais chacun restait soumis à autorisation, parfois pour chaque plongée. À la limite de la légalité. Mais en 2012, ces lourdeurs administratives ont enfin été levées. Avant, il n’était possible de plonger que là où c’était autorisé. Après, il est devenu possible de plonger partout, sauf là où c’est interdit ! », raille Peter Nicolaides, biologiste, océanographe et responsable du Aegean Diving College.
« Autrefois, il y avait beaucoup de pillage d’antiquités. Sous l’eau et dans les champs. Des trafics juteux pour certains. Dans les îles, dans chaque habitation ou presque, on peut trouver des amphores complètes. Mais depuis, toutes les pièces importantes ont été prélevées, légalement ou non. Du coup, l’état s’est enfin décidé à faciliter et accompagner l’installation de structures plongée », précise-t-il.
Paul Orphanidis a créé son club en 2011, le Paros Scuba Club. « Aujourd’hui, n’importe qui peut ouvrir un centre. Mais les formalités demeurent strictes, reconnaît-il. L’ouverture est soumise à l’approbation préalable d’un bureau Veritas avec contrôles annuels. Mais au moins ne doit-on plus demander une autorisation spéciale pour chaque plongée. »
Ouverture à la plongée
Malgré ces gages de sécurité et cet assouplissement législatif conséquent, l’état grec n’a pas su, ou voulu, communiquer sur cette ouverture du monde sous-marin. Peut-être avait-il d’autres chats à fouetter. Il n’en demeure pas moins que, bien que marginale à l’échelle touristique du pays, la plongée a de belles cartes dans sa manche. Certes pas la faune, plutôt rare et pauvre. La faute à un bassin naturellement chiche en nutriments et, comme ailleurs, à la surpêche. En revanche ses côtes révèlent des topographies tourmentées et surprenantes avec grottes, failles et canyons, des centaines d’épaves plus ou moins bien conservées à des profondeurs accessibles, sans parler des vestiges évidemment, où le moindre tesson d’amphore permet de remonter le temps et prolonger la visite des sites historiques terrestres.
Mais les lourdeurs administratives du passé ont également laissé leur traces. À commencer par des structures plongée finalement peu nombreuses, à l’échelle du pays, et de petite taille. Pas de grosses « usines », la plupart n’ayant des bateaux que pour une douzaine de plongeurs maximum et principalement orientées vers une plongée d’initiation et de découverte. Ce qui constitue d’ailleurs un atout. Peu de risque en effet de se retrouver entouré d’un nuage de bulles, comme sur certains spots de mer Rouge.
Croire en l’avenir
Face aux troubles qui agitent l’Égypte justement, certains ont compris qu’ils avaient une carte à jouer. À l’image de Paul qui développe peu à peu son centre avec une croissance exponentielle. Mais d’autres aussi qui s’adaptent peu à peu aux aspirations d’une clientèle plus exigeante. Malgré la crise frappant le pays, des entrepreneurs misent résolument sur ce nouveau tourisme de niche. Exemple, Xavier Hatouri, Franco-chypriote établi depuis plus de 20 ans à Paros. Il y possède l’hôtel Holiday Sun et y a également créé Paros Adventures, société proposant toute une gamme de loisirs outdoor (kite, windsurf, paddle, tennis, quad, cheval ou… plongée).
« Oui, on vit une période très difficile avec la fin d’une époque, reconnaît-il. Mais c’est justement dans ces épisodes de transition qu’il faut avancer, innover, proposer d’autres choses. La Grèce bénéficie déjà d’une forte audience et d’une puissante attractivité touristique avec des vols réguliers, une offre hôtelière pléthorique pour tous budgets. Au-delà du tourisme de masse, déjà acquis, je crois que c’est désormais le moment de proposer des activités alternatives pour des visiteurs en quête d’autres choses que des vieilles pierres mais en recherche d’authenticité, de vacances actives et d’émotions. La plongée s’inscrit parfaitement dans ce cadre », ajoute-t-il, confiant en l’avenir.
À preuve : l’an prochain, il ouvrira sa propre structure plongée au sein de Paros Adventures alors qu’elle était jusque-là assurée par des prestataires indépendants.
Héliades attaque le marché
Le Français Héliades ne s’y est pas trompé non plus. Leader du tourisme en Grèce depuis 1975, ce géant français y achemine chaque année près de 120000 personnes d’avril à octobre via sa compagnie XL Airways, Air Méditerranée ou Airpost avec des départs hebdomadaires de Paris mais aussi des principales villes de province. Son catalogue propose toute une gamme de séjours, du village-club à l’hôtel de prestige 4 étoiles en passant par les croisières voile à la cabine ou en paquebot pour des tarifs démarrant à 690 € la semaine avec vol, transferts, hébergement en demi-pension et animations.
Pour combler la saison hivernale, ce TO spécialisé a commencé à s’ouvrir à d’autres destination tels le Cap-Vert, le Brésil, São Tomé ou, à partir de l’hiver 2013/2014, la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion et la République dominicaine. De spécialiste, Héliades devient donc peu à peu généraliste tout en conservant la Grèce en cœur de métier. Et la plongée trouve naturellement sa place au sein de ce développement. En s’appuyant sur les structures existantes, le voyagiste proposera dès l’an prochain des packs complets avec vol, hébergement, transferts et activités annexes. Dont la plongée, où le prix total sera évidemment inférieur à celui pris individuellement en supplément, la plongée unitaire y étant encore assez chère.
Alors que l’Égypte, destination phare des plongeurs, voit sa fréquentation à la baisse pour cause d’instabilité, le succès de la Grèce ne cesse de s’affirmer : +20 % l’an dernier. Une destination proche à 4 h d’avion, une hôtellerie de premier plan, des paysages variés, une offre touristique étoffée, du soleil et de l’eau bleue, la Grèce a assurément des atouts à faire valoir. Il lui faut encore convaincre les plongeurs que ses épaves, ses plongées « géologiques » et ses vestiges historiques peuvent compenser l’absence de faune et de couleurs. Mais ses voisins, à commencer par Malte, ont bien réussi. Il n’y a dès lors aucune raison que la Grèce ne puisse à son tour devenir un sérieux outsider sur le marché de la plongée. Avec un argument de poids en ces temps troubles : des coûts parfaitement maîtrisés.
Texte et photos D. Deflorin