Les plongeurs débutants désertent les centres de La Réunion. Une situation qui accroît le désarroi des structures commerciales, déjà touchées par la crise économique. Le 24 septembre, une journée portes ouvertes sera organisée par la filière avec l’association Longitude 181. Car si les tragiques agressions de requins ont fait la une des grands médias, les professionnels de la plongée aimeraient bien voir plus souvent des squales, histoire de relancer leur activité. Or c’est loin d’être le cas.

Sur les 25 clubs professionnels de l’île Bourbon, 22 sont agréés FFESSM et 14 d’entre eux appartiennent au GPP, le Groupement des professionnels de la plongée. Sollicités par Plongée Mag, ils se retrouvent soudés dans leur perception du désastre qui les balaie depuis un an et qui s’est accentué depuis le tragique décès d’une jeune baigneuse en juillet.
« Je fatigue, soupire Max Graal, représentant des SCA (structures commerciales agréées) à La Réunion et dirigeant du centre B’leu Océan à St-Leu. Après m’être battu pour remonter la pente suite à la crise du chikungunya (NDLR, en 2005-2006), je commence à en avoir un peu marre. »
« Sentiment de frustration et de dégoût, précise Antoine Mettra, d’AquaSub Run, à La Plaine Saint-Paul. Les attaques vont continuer : ravines toujours sales, urbanisation galopante, pas de traitement des eaux aux normes, pas de régulation, surpêche au large de l’île, interdiction non respectée… Le lagon n’est pas protégé et tous les jours des signalements sont faits à l’intérieur. »

Le Port de Saint-Gilles
Photo A. Mettra


FRÉQUENTATION EN BAISSE

409000 touristes en 2005, 278800 en 2006. Le moustique « tueur » fait ses premiers ravages. L’île se remet en 2011 et amorce une belle remontée : 471300 touristes. Du jamais vu ! Puis une baisse de 5,3 % en 2012, avec « seulement » 446500 arrivées. Difficile de savoir quel impact ont respectivement le marasme économique en métropole, le prix des billets d’avion, jugé par certains trop élevé, et la fameuse « crise requins ». Depuis les deux accidents mortels de mai et juillet 2013, 16000 annulations auraient été enregistrées.
« Avec le ‘chyk’, toute la filière tourisme et hôtellerie était touchée de la même manière, tempère Max. La filière surf a presque complètement disparu et la plongée a du plomb dans l’aile. L’État se sent donc moins investi. »

DÉBUTANTS, LA DÉBANDADE

Les centres expliquent que ce sont surtout les débutants, locaux ou métropolitains, qui désertent les centres, dissuadés par leur entourage. Or, ce sont justement les baptêmes et les formations qui assurent la rentabilité de ces centres.
Les niveaux expérimentés continuent de venir. La seule activité qui n’a jamais été interdite par les autorités de l’État, c’est d’ailleurs la plongée. Il en avait d’ailleurs été de même à Sharm El-Sheikh, en mer Rouge, après les attaques de décembre 2010.
« Notre gagne-pain, c’est le baptême, donc l’arrivée de nouveaux passionnés pour ensuite continuer sur des formations et fidéliser une clientèle », souligne Philippe Doki-Thonon, d’Ô Sea Bleu, à Saint-Gilles-les-Bains.

CA EN BERNE

« L’impact de la dernière attaque ne s’est pas encore fait ressentir pleinement. Il y a un décalage temporel dû à la prise des billets d’avion très longtemps à l’avance mais nous aurons certainement une baisse de l’activité en fin d’année », annonce  Daniel Chéré, de Plongée Salée, à Étang-Salé.
« 50 % de baisse, surtout baptêmes et formation N1 », admet de son côté Antoine Mettra.
« Baisse de 10 % en 2012 par rapport à 2011. Et 40 % depuis début 2013 », reconnaît Philippe Doki-Thonon.
« Baisse de CA de 25 % en 2012 (baptêmes et formations). Méchante claque en 2013, attaques, météo pourrie : moins 10 % » pour Max Graal.

OÙ SONT CES FAMEUX REQUINS ?

Photo D. Deflorin

– Max Graal : « Jamais sur les sites de 0 à 20-30 mètres ! J’en ai vu 2 fois en 12 ans et encore, des petits. Contrairement à ce que l’on dit, il y a bien des requins à La Réunion, mais peu. Si on en voyait, on ferait des photos et on aurait deux fois plus de plongeurs confirmés pour venir les voir ! »
– Daniel Chéré : « En 5 ans d’activité, un petit marteau d’un mètre et un petit pointes noires. Deux ou trois fois des raies guitares et trois fois un requin nourrice, sans doute le même. Les pêcheurs professionnels que je côtoie sur le bassin n’en voient pas beaucoup. »
– Philippe Doki-Thonon : « Jamais vu ! D’ailleurs, les plongeurs ne demandent pas à en voir, ils savent bien que nous ne sommes pas une destination requins. »
– Antoine Mettra : « Beaucoup de centres de plongée doivent secrètement rêver de faire de la plongée bouledogues. Mais je pense que l’on en est loin ! »

Propos recueillis par Martine Carret, photo du haut : A. Mettra