L’île de Boa Vista (« belle vue »), dans le Cap-Vert, porte bien son nom. Elle fait appel à chacun de nos sens à travers un mélange unique d’expériences exotiques, savoureuses et colorées. Mais c’est la vue qui est la plus sollicitée, avec les plages interminables de sable blanc bordées de dunes, les eaux cristallines et turquoise, les déserts appelant à l’aventure, les paisibles et pittoresques villages et un monde sous-marin d’une incroyable richesse.

L’archipel du Cap-Vert n’a pas toujours été un paradis naturel. Il y a 50 millions d’années, quand ce groupe de 10 îles et 8 îlots émergea des profondeurs de l’Atlantique à cause d’une brutale activité volcanique, son aspect était très sauvage et désolé. Avec le temps, les îles tombèrent dans l’oubli jusqu’à ce que, au milieu du XVe siècle, des explorateurs portugais les découvrent. À cette époque, elles étaient très fertiles et vertes, ce qui leur valut leur nom actuel.

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Boa Vista, qui s’appelait à l’origine São Cristovao, fut découverte en 1480 et resta inhabitée jusqu’en 1620, quand débuta l’exploitation de ses salines. Les décennies qui suivirent furent très dures pour le Cap-Vert. Les sécheresses extrêmes, la déforestation et la famine marquèrent durablement l’archipel. Cependant, au début du XXe siècle, avec la création du port de Saõ Vicente et plus tard avec l’aéroport de Sal, le pays commença à se redresser. Finalement, en 1975, le Portugal accorda l’indépendance à l’archipel. Actuellement, le Cap-Vert est considéré comme un pays en voie de développement, avec une des démocraties et des économies les plus saines du continent africain, et une activité axée sur le tourisme.

L’invitation au voyage…

Notre aventure à Boa Vista a commencé à Madrid. C’est là que nous avons rencontré Juan Blanco, un plongeur chevronné originaire de Malaga (Espagne). Installé au Cap-Vert depuis 9 ans, il est responsable des trois centres de plongée Scuba Caribe de l’île. « Il faut que vous veniez. Boa Vista est vraiment différent », nous a-t-il répété, clairement convaincu de ce qu’il disait. Deux mois plus tard, une partie de l’équipe du magazine « Buceadores » atterrissait à l’aéroport international de Boa Vista, où Jean nous attendait.

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La plongée sur Boa Vista change beaucoup en fonction des saisons. En été, les conditions de mer sont plus stables, la visibilité meilleure, approchant parfois les 15-20 mètres, la houle est faible et l’eau frise les 27°C. En dehors de cette saison, on peut toujours plonger, même si les conditions sont moins bonnes. Autre point important : les plongées ne dépassent presque jamais les 25 mètres de profondeur, ce qui permet d’en profiter plus longtemps. Les fonds de sable regorgent de tombants d’origine volcanique et abritent quelques secs imposants affleurant la surface. On y trouve différentes espèces de corail (bien qu’il n’y ait pas de récifs coralliens), des gorgones de toutes tailles, des éponges à foison, ainsi qu’une riche ichtyofaune, avec 37 endémismes, 8 espèces de requins et 5 espèces de tortues (dont la caouanne et la verte).

Les presque 20 sites de plongée de Boa Vista se répartissent sur toute l’île et sont facilement accessibles depuis les trois centres de plongée de Scuba Caribe, placés stratégiquement en fonction des meilleurs spots. Depuis la plage, nous embarquons directement sur un des bateaux du centre, profitant d’un petit temps calme côté vagues pour sortir. Les sites de plongée se rejoignent ensuite après quelques minutes de navigation.

Un des principaux intérêts sous-marins de Boa Vista réside dans la présence du requin taureau (Carcharias taurus) en dehors des mois d’été. Les requins nourrices s’observent également très couramment, ainsi que les tortues, surtout en été, quand elles sortent de l’eau pour aller pondre sur la plage (voir encadré). Boa Vista est aussi fréquenté par les baleines à bosse, qui y viennent pour s’y reproduire, et que l’on peut croiser lors des sorties en bateau.

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Les meilleurs spots

La Atlántida

Sec imposant qui part depuis un fond de 28 mètres et monte jusqu’à environ 10 mètres. Il est délimité par des failles verticales remplies de madréporaires arborescents, alors que dans sa partie supérieure se trouvent de profonds canyons où nombre de balistes trouvent refuge. Ce site est une véritable aire de jeu pour les amoureux de faune et de photographie macro, car il est semé de beaux pleurobranches (Pleurobranchus garciagomezis) et de différents types de nudibranches : minuscules flabellines (Flabellina bulbosa), très beaux Tambja fantasmalis et de nombreux Hypselodoris picta avec leurs couleurs électriques.

Shark Bow

Cette plongée se déroule sur un tombant en forme de fer à cheval. Il est parcouru par une grande arche qui nous conduit de l’autre côté du récif, à l’intérieur duquel nous avons passé pratiquement toute la plongée, bouche bée devant l’impressionnante faune réunie à cet endroit. La première chose que nous verrons est le mur compact formé par des grondeurs, des poissons écureuils et, occasionnellement, des chirurgiens. À côté d’un rocher apparaissent de temps à autre les antennes d’un groupe de plus de cinq langoustes. Les poissons trompettes nagent lentement au milieu du banc, attrapant une proie au dépourvu. Une raie recherche la pénombre dans les extrémités anguleuses de l’arche. Soudain, alors que l’on croit déjà avoir tout vu, le banc de poissons s’ouvre, laissant apparaître une silhouette fusiforme avançant lentement, avec prudence. C’est un requin taureau, une espèce docile pas vraiment facile à voir. Ici, à Shark Bow, nous pouvons nous retrouver avec plus d’un taureau à la fois, faisant de longs cercles dans une des zones les plus sombres de l’arche. Spectaculaire !

Isla Baluarte/Alcatraz

Notre prochaine immersion a lieu dans les alentours d’un îlot basaltique rempli d’arêtes, d’arcs et de formes capricieuses, habité par des oiseaux tels que les frégates et les fous. La plongée consiste à suivre le contour d’un tombant qui présente une série de doigts ou pointes qui s’étirent, formant de petites baies de sable où l’on rencontre fréquemment des raies, des bancs de chirurgiens, des grondeurs ou des priacanthes. Sous les petites avancées qui se forment sur ce récif, on peut rencontrer plus d’un requin nourrice.

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Cette épave, qui repose à 11 mètres de fond, est située à moins de 5 minutes de bateau du centre Scuba Caribe de Sal Rei et fait partie des sites phare de Boa Vista. Il s’agit d’un bateau océanographique coulé en 2002. L’intérêt de ce spot ne réside pas dans la structure de l’épave elle-même, très abîmée, mais plutôt dans l’extraordinaire et sidérante vie qui l’habite. Des bancs et des bancs de poissons tournent autour du bateau, pendant que d’autres espèces comme les poissons trompettes, poissons globes, labres, rascasses, murènes, blennies et autres créatures prennent possession de différentes parties de sa structure. Mais le trésor de cette plongée est réservé à ceux qui ont de bons yeux : deux magnifiques poissons crapauds blancs. Et à cette profondeur, nous avons tout le temps de les admirer !

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¡Adeus, ilha querida!

Nous avons passé à Boa Vista une semaine extraordinaire, pleine d’expériences uniques. Cette île vous remplit d’émotions jusqu’à en déborder. Le turquoise pur de son eau, en contraste avec le blanc doux et exquis de ses plages interminables, reste gravé dans la rétine. Ses habitants, chaleureux et souriants, dotés d’un important patrimoine musical, ne peuvent que nous laisser sous le charme. Sa gastronomie saine, savoureuse, adoucit le palais des gourmets. Ses paysages arides exaltent la beauté de ses villages enchanteurs aux maisons colorées, avec les bougainvillées dégringolant des balcons, les coqs picorant dans les rues, et les enfants courant derrière un ballon dégonflé. Cette île est un de ces rares endroits qui séduit le visiteur de telle sorte qu’il en revient chez lui transformé. De retour à l’aéroport de Boa Vista, nous faisions déjà des pronostics sur la date de notre prochaine venue…

 

Boa Vista, sanctuaire pour les tortues marines

tortue-boa-vista3 questions à Pedro López (« Pedrín »), vétérinaire espagnol, biologiste marin, habitant de Boa Vista depuis 15 ans, impliqué dans la conservation des tortues marines de l’île.

Est-il vrai qu’à Boa Vista, on trouve une des zones de ponte les plus importantes au monde pour la tortue caouanne ?

Au Cap-Vert, on trouve la 3e plus importante population de tortue caouanne (Caretta caretta), après les États-Unis et Oman. Bien que l’espèce nidifie dans pratiquement toutes les îles de l’archipel, 90 % des nids se trouvent à Boa Vista, principalement sur la côte Est de l’île. Chaque été, entre les mois de juin et octobre, on compte entre 12000 et 14000 nids. Paradoxalement, cette population si importante de tortues caouannes se retrouve aussi parmi les 11 populations de tortues les plus menacées de la planète.

En 2007, on chassait encore des tortues pour leur chair à Boa Vista. Quelle est la situation aujourd’hui ?

Il y a moins de braconnage qu’avant. Mais nous savons qu’en dehors de la période de nidification, durant laquelle des patrouilles sont effectuées sur les plages, des tortues continuent à être chassées illégalement. Cela n’a toutefois rien à voir avec ce qui se passait il y a quelques années. La diminution du braconnage a été possible grâce à des associations de protection de l’espèce, des fonds nationaux et internationaux pour financer les actions de conservation, des campagnes de sensibilisation, et une meilleure implication des autorités du pays. Le Plan national pour la conservation des tortues marines du Cap-Vert a été approuvé en 2008. Parmi les principales menaces qui pèsent sur les tortues, citons la dégradation des nids par les crabes fantômes (Ocypode cursor) et les raz-de-marée, le développement touristique et côtier et l’impact de la pêche.

Est-ce que tout le monde peut assister à la ponte des tortues ?

Les visites nocturnes sur les plages où les tortues pondent doivent se faire en compagnie de personnes autorisées par la loi, qui ont une licence spéciale, afin de limiter le nombre de gens et de déranger le moins possible les tortues ainsi que les biologistes et les volontaires responsables de la conservation de l’espèce. La majorité des opérateurs touristiques et agences de voyage spécialisés sur Boa Vista peuvent donner aux touristes ce type d’informations. Il ne faut pas oublier qu’en juillet et durant la première moitié d’août, on peut seulement observer des femelles faisant leur nid. À partir de fin août, et en principe jusqu’à début octobre, il est possible de les observer en train de pondre, et de voir des petits naître.

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Remerciements à Scuba Caribe : www.scubacaribe.com ; info@scubacaribe.com

 

Retrouvez le texte de Joel Ingalaturre (trad. E. Rigollet) et les photos de Jordi Chias dans Plongée Magazine n°66

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